d'un an aprés le trespas de leur mary. A ce propos je vous raconteray icy d'une femme, laquelle aprés la mort de son mary, qui avoit esté pris et mangé de ses ennemis, ne se voulat jamais remarrier, par ce disoit elle que nul des parents du deffunct son mary ne s'estoit efforcé de venger sa mort. Et pour cette cause prenant l'arc et la flèche s'en alta elle mesme à la guerre avec les hommes, qu'elle bailia à tuer à ses enfans, leur disant, tués mes chers enfans, vengés la mort de votre pere defunct, puis que nul de ses enfans, n'en fait autre vengeance. C'est possible pour ce que je ne suis pas jeune, et assés belle. Mais une chose est en moy, c'est que je suis forte, et vacilante pour venger la mort de votre pere mon mary. Et de fait cette femme fit tant, qu'elle print plusieurs de ses ennemis prisonniers entre autres l'une des plus belles jeunes filles qui fut en tout le pais, que l'on dit au seigneur de Villegagnon qu'elle estoit fille d'un capitaine portugois et d'une sauvage, et ne laissa pourtant à passer te pas, et estre tuée comme les autres que l'on y envoya. De sorte que remettant tous actes féminins, et prenant les masculins, et viriles, ne portoit plus de cheveux longs, comme les autres femmes, et comme elle avoit accoustumé, ains s'accoustroit avec des plumas-series, l'espée de bois faite, comme elle font par dela en sa main, et autres choses convenantes aux hommes. Vous eussiés veu pendu au col de ceste femme plusieurs flustes, des os, du bras, et jambes de ses ennemis, et à ses enfants autres instruments, comme tabourins faits à leur mode, selon qu'ont accoustumé faire les autres sauvages, lesquels ayans bien banqueté et caouyné, sautent, et dansent joyeusement tout autour de leurs loges, là où cependant les plus anciens laissent tout le long du jour de boire sans manger et sont servis par les veufves du defunct, et parentes d'iceluy.